PERE TOINOU | Decision 0011753

ANNULATION N° 11753 C (NULLITÉ)

Soniac Eurl, 1, allée des sauliers, 91160 Longjumeau, France (demanderesse), représentée par Maître Biyao Louis, 26, avenue de la Grande Armée, 75017 Paris, France (représentant professionnel)

c o n t r e

Anco Fromage GmbH & Co. KG, Hauptstr. 5, 31020 Salzhemmendorf, Allemagne (titulaire de la marque de l’Union européenne), représentée par Maître Grasset Martin, 86, boulevard Carnot, 59800 Lille, France (représentant professionnel).

Le 09/12/2016, la division d'annulation rend la présente

DÉCISION

1.         Il est fait droit partiellement à la demande en nullité.

2.        La marque de l’Union européenne n° 4 259 768 est déclarée nulle pour une partie des produits contestés, à savoir: 

Classe 29 : Viande, poisson, volaille et gibier; oeufs; lait et produits laitiers; fromages; huiles et graisses comestibles; boissons lactées; conserves de viande, poissons, volaille et gibier; conserves d'oeufs; charcuterie. 

Classe 30 : Café, thé, cacao, succédanés du café; glaces comestibles; boissons à base de café, thé, cacao, chocolat. 

Classe 32 : Boissons non alcooliques et préparations pour faire des boissons (à l'exception de celles à base de café, de thé ou de cacao et des boissons lactées); boissons de fruits et jus de fruits; sirops pour faire des boissons. 

3.        La marque de l’Union européenne reste enregistrée pour tous les produits restants, à savoir:

Classe 29 : Extraits de viande, fruits et légumes conservés, séchés et cuits; gelées, confitures, compotes.

Classe 30 : Sucre, riz, tapioca, sagou, farines et préparations faites de céréales, pain, pâtisserie et confiserie, miel, sirop de mélasse; levure, poudre pour faire lever; sel, moutarde; vinaigre, sauces (condiments); épices; glace à rafraîchir. 

Classe 32 : Bières; eaux minérales et gazeuses.

4.        Chaque partie supporte ses propres frais.

MOTIFS

La demanderesse a déposé une demande en nullité contre la marque de l’Union européenne n° 4 259 768 « PERE TOINOU » (marque verbale) (la marque de l’Union européenne). La demande se fonde sur  l'enregistrement de la marque figurative française n° 1 334 857. . La demande est dirigée contre tous les produits couverts par la marque de l’Union européenne, à savoir:

Classe 29 : Viande, poisson, volaille et gibier; extraits de viande, fruits et légumes conservés, séchés et cuits; gelées, confitures, compotes; oeufs; lait et produits laitiers; fromages; huiles et graisses comestibles; boissons lactées; conserves de viande, poissons, volaille et gibier; conserves d'oeufs; charcuterie. 

Classe 30 : Café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés du café; farines et préparations faites de céréales, pain, pâtisserie et confiserie, glaces comestibles; miel, sirop de mélasse; levure, poudre pour faire lever; sel, moutarde; vinaigre, sauces (condiments); épices; glace à rafraîchir; boissons à base de café, thé, cacao, chocolat. 

Classe 32 : Bières; eaux minérales et gazeuses; boissons non alcooliques et préparations pour faire des boissons (à l'exception de celles à base de café, de thé ou de cacao et des boissons lactées); boissons de fruits et jus de fruits; sirops pour faire des boissons.

La demanderesse a invoqué les articles 52, paragraphe 1, point b), et 53, paragraphe 1, point a) du RMUE.

RÉSUMÉ DES ARGUMENTS DES PARTIES

La demanderesse affirme que la marque contestée a été déposée de mauvaise foi. Elle soutient que le PDG de la société Thomas Export, société titulaire d’une licence d’exploitation des marques françaises antérieures, est également l’associé de la société titulaire. Par conséquent, la titulaire ne pouvait qu’avoir connaissance de l’usage de marques similaires par la demanderesse. En outre, le dépôt contesté a pour conséquence de rendre plus difficile l’activité commerciale de la demanderesse dans les pays européens. S’agissant de la cause de nullité relative, la demanderesse affirme que les signes sont similaires tant d’un point de vue visuel, phonétique ou conceptuel et que les produits en litige sont identiques ou similaires.

 

À l'appui de ses observations, la demanderesse a déposé les éléments de preuve suivants:

  • Extrait de la base de données de l’INPI concernant la marque n°1 334 857
  • Extrait de la base de données de l’INPI concernant la marque n°1 455 188
  • Extrait de la base de données TMview concernant la marque n°4 259 768
  • Contrat de licence de marque daté du 28/03/1997
  • Contrat de cession de marques daté du 29/09/2005
  • Série de factures et échange de courriers entre la société Thomas Export et la demanderesse
  • Extrait Kbis de la société Anco Verwaltungs GmbH
  • Rapport intégral sur la société ANCO fromage GmbH

Observations du 29/03/2016

  • Décision d’annulation de l’EUIPO n° 8305C
  • Décision d’annulation de l’EUIPO n° 9852C
  • Echange de courriers entre la société Thomas Export et la demanderesse

En réponse, la titulaire de la marque de l’Union européenne soutient qu‘elle n’a pas déposé la marque de mauvaise foi car le contrat de licence lui permettait de protéger et d’exploiter la dénomination « PERE TOINOU » à l’étranger. La titulaire soutient également que la demanderesse ne pouvait raisonnablement ignorer l’usage de la marque de l’Union européenne contestée. Par conséquent, dans la mesure où elle n’a rien fait pendant 11 ans pour empêcher son usage elle serait forclose à en demander aujourd’hui la nullité.

À l'appui de ses observations, la titulaire de la marque de l’Union européenne a déposé les éléments de preuve suivants:

  • Capture écran site www.thomas- export.com
  • Exemple de catalogue distribué par THOMAS EXPORT — Exemplaire 2014
  • Décision du Tribunal du 14 février 2012 T-33/11 BIGAB
  • Décision de la Cour du 11 juin 2009 C-529/07 LINDT & SPRUNGLI
  • EUIPO division d’annulation 30 mars 2014  n° 9852C
  • Décision du Tribunal du 9 juillet 2015 T-98/13 et T-99/13 CAMOMILLA
  • Décision du Tribunal du 1er février 2012 T-291/09 CARROLS
  • Décision de la Cour du 22 septembre 2011 C-482/09 BUDEJOVICKY BUDVAR
  • Décision de la 4ème Chambre de recours du 13 décembre 2014, affaire R 582/2003-4 EAST SIDE MARIO’S

La demanderesse soutient en substance que le contrat de licence ne permettait pas à la titulaire de déposer une marque similaire en son propre nom ni de faire déposer cette marque par une filiale. Elle relève comme éléments démontrant la mauvaise foi que les marques en cause ne sont pas totalement identiques et que la titulaire n’a pas informé la demanderesse du dépôt de la marque contestée. Elle ajoute que le dépôt de la marque de l’Union européenne lui était inconnu et que la titulaire n’a pas démontré avoir exploité la marque contestée sur le territoire français. Par conséquent, le motif de forclusion ne peut lui être opposé.

En réponse, la titulaire maintient et développe ses arguments précédents.

CAUSES DE NULLITÉ ABSOLUE – ARTICLE 52, PARAGRAPHE 1, POINT b), du RMUE

Principes généraux

L'article 52, paragraphe 1, point b), du RMUE dispose qu'une marque de l’Union européenne est déclarée nulle lorsque la demanderesse était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque.

Il n'existe pas de définition juridique précise du terme «mauvaise foi», qui se prête à différentes interprétations. La mauvaise foi est un état subjectif basé sur les intentions de la demanderesse lors du dépôt d'une marque de l’Union européenne. En règle générale, les intentions seules n'ont pas de conséquences juridiques. L'existence de la mauvaise foi nécessite, tout d'abord, une action de la titulaire de la marque de l’Union européenne témoignant manifestement d'une intention malhonnête, et deuxièmement, une norme objective permettant d'analyser cette action et de déterminer ensuite qu'elle constitue un acte de mauvaise foi. Il y a mauvaise foi lorsque le comportement de la personne qui dépose une demande de marque de l’Union européenne s'écarte des principes reconnus d’un comportement éthique ou des usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale, pouvant être identifié en examinant les faits objectifs de chaque cas d’espèce par référence à ces normes (conclusions de l'avocat général Sharpston présentées le 12/03/2009, C-529/07, Lindt Goldhase, EU:C:2009:361, § 60)).

L’existence de la mauvaise foi de la demanderesse lors du dépôt de la demande de marque de l’Union européenne doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (11/06/2009, C-529/07, Lindt Goldhase, EU:C:2009:361, § 37).

La charge de la preuve de la mauvaise foi incombe à la demanderesse en nullité. La bonne foi est présumée jusqu'à preuve du contraire.

Résumé des faits pertinents

Le 27/01/2005, la titulaire a déposé la marque de l’Union européenne contestée. Or, il s’avère que le PDG de la société Thomas Export, société titulaire d’une licence exclusive d’exploitation des marques françaises antérieures, est également un associé de la titulaire. L’article 2 du contrat de licence précité stipule que le concessionnaire aura seul le droit d’exploiter la marque sur tout le territoire auquel s’applique la marque française et dans tous les pays étrangers et ajoute que le concessionnaire aura le droit de demander la protection des marques à l’étranger, à ses frais exclusifs.

Appréciation de la mauvaise foi

Il est de jurisprudence constante que le moment pertinent aux fins de l’appréciation de l’existence de la mauvaise foi de la titulaire est celui du dépôt par l’intéressée de la demande d’enregistrement, à savoir le 27/01/2005 (arrêt C-529/07, précité, point 35).

La demanderesse en nullité soutient que la titulaire a effectué le dépôt de la demande de marque de mauvaise foi, car elle aurait effectué ce dépôt en connaissance de l’existence des marques françaises antérieures « PERE TOINOU » et ce, en vue de rendre l’activité commerciale de la demanderesse dans les pays européens plus difficile.

Les éléments de preuve fournis par les parties démontrent qu'au moment où elle a déposé la marque de l’Union européenne contestée, la titulaire avait connaissance de l'existence des marques françaises antérieures puisque l’un des associés de la société titulaire était également PDG de l’entreprise bénéficiant d’une licence exclusive. Ce point n’est pas contesté par la titulaire. Cependant, cette dernière rappelle qu’à la date de dépôt de la marque contestée, la demanderesse n’était pas encore propriétaire des deux marques antérieures françaises.

Conformément à la jurisprudence, le fait que la titulaire de la marque de l’Union européenne sait ou doit savoir que la demanderesse en nullité a utilisé un signe identique/similaire pour des produits identiques/similaires pour lesquels un risque de confusion est possible ne suffit pas à conclure à la mauvaise foi (11/06/2009, C-529/07, Lindt Goldhase, EU:C:2009:361, § 40). Pour déterminer s'il y a eu mauvaise foi, il convient de tenir compte des intentions de la titulaire de la marque de l’Union européenne au moment du dépôt.

Il ressort des observations et documents fournis par les deux parties que le dépôt de la marque de l’Union européenne contestée a eu lieu 8 mois avant l’acquisition par la demanderesse des marques françaises antérieures et que d’autre part, le contrat de licence prévoyait la possibilité, pour la titulaire, de demander la protection des marques à l’étranger.

Ces deux éléments conjugués laissent penser que l’argument suivant lequel l’objectif de la titulaire était de rendre plus difficile l’activité de la demanderesse dans les pays européens est improbable puisqu’au moment du dépôt de la marque de l’Union européenne contestée, la titulaire ne pouvait avoir connaissance de la cession des marques en faveur de la demanderesse, puisque celle-ci n’avait pas encore eu lieu. En outre, il apparaît clairement que la titulaire s’est bornée à appliquer le droit que lui permettait le contrat de licence à savoir la possibilité de pouvoir protéger les marques à l’étranger. La demanderesse conteste sur plusieurs points l’application de cet article par la titulaire. Cependant, sans préjuger de la pertinence des arguments de la demanderesse, il suffit de noter que l‘existence même de cet article implique que la titulaire pouvait légitimement penser, en toute bonne foi, qu’elle avait le droit de déposer sa marque à l’étranger.

Il s’ensuit qu’aucun des arguments et documents fournis par la demanderesse n’est en mesure de prouver de manière certaine ou même de manière présumée, mais avec des indices précis et concordants, que la titulaire a agi de mauvaise foi au moment du dépôt de la marque contestée.

Par conséquent, la division d’annulation estime que les documents au dossier ne permettent pas de conclure que le dépôt de la marque attaquée a été fait de mauvaise foi par la titulaire.

Compte tenu de ce qui précède, la division d'annulation conclut qu'il convient de rejeter la demande en nullité dans la mesure où elle se fonde sur l'article 52, paragraphe 1, point b), du RMUE.

Forclusion par tolérance

La titulaire soutient que la demanderesse en nullité avait connaissance de l’usage de la marque de l’Union européenne contestée depuis plusieurs années, de sorte qu’il y a forclusion par tolérance, au sens de l’article 54 du RMUE.

Conformément à l’article 54, paragraphe 2, du RMUE, la titulaire d’une marque nationale antérieure qui a toléré pendant cinq années consécutives l’usage d’une marque de l’Union européenne postérieure dans l’État membre où cette marque antérieure ou l’autre signe antérieur est protégé, en connaissance de cet usage, ne peut plus demander la nullité ni s’opposer à l’usage de la marque postérieure, à moins que le dépôt de la marque de l’Union européenne postérieure n’ait été effectué de mauvaise foi.

En l’espèce, la titulaire doit démontrer que la marque contestée a été utilisée en France pendant au moins cinq années consécutives postérieurement à son enregistrement, à savoir le 03/04/2006, et que la demanderesse a toléré cet usage pendant ladite période.

D’une part, la fourniture d’un seul catalogue ne saurait démontrer un usage bien établi et de longue durée de la marque contestée en France. D’autre part, ce catalogue est daté de 2014. À supposer que la demanderesse ait eu connaissance de l’usage de la marque de l’Union européenne contestée à cette date, cela ne suffirait pas à conclure à l’existence d’une période ininterrompue de cinq ans précédant la demande en nullité de 2015 au sens de l’article 54, paragraphe 2, du RMUE (R 2230/2010-4, paragraphes 21 et 22, confirmé par l’arrêt du Tribunal 23/10/2013, T-417/12, Aqua flow, EU:T:2013:550).

Enfin, la titulaire soutient en substance qu’il est peu concevable qu’à l’occasion de la signature de l’acte de cession des deux marques antérieures françaises, la demanderesse n’ait pas effectué des vérifications élémentaires concernant ces deux marques. Cependant, il doit être relevé que le choix de faire une telle recherche relève de la seule stratégie du cessionnaire et il n’appartient dès lors pas à l’Office de s’immiscer dans une telle appréciation (voir en ce sens l’arrêt du Tribunal du 14/02/2012, T-33/11, BIGAB, point 29).

Il n’existe pas d’autres éléments au dossier qui permettent d’affirmer que la demanderesse avait connaissance de l’usage de la marque de l’Union européenne. Par conséquent, la division d’annulation est d’avis qu’il n’est pas démontré que la demanderesse ait eu connaissance de l’usage de la marque de l’Union européenne contestée avant 2015. 

Par conséquent, l’argument de la titulaire suivant lequel la demanderesse est forclose à demander la nullité de la marque contestée doit être rejeté.

CAUSES DE NULLITE RELATIVE - RISQUE DE CONFUSION – ARTICLE 53, PARAGRAPHE 1, POINT a), DU RMUE LU EN COMBINAISON AVEC L'ARTICLE 8, PARAGRAPHE 1, POINT b), DU RMUE

On entend par risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause, à condition de porter les marques en cause, proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. L’existence d’un risque de confusion doit être appréciée globalement en tenant compte de plusieurs facteurs interdépendants. Ces facteurs incluent la similitude des signes, la similitude des produits et services, le caractère distinctif de la marque antérieure, les éléments distinctifs et dominants des signes en conflit et le public pertinent.

  1. Les produits et services

Les facteurs pertinents concernant la comparaison des produits ou services incluent, en particulier, leur nature et leur destination, leurs canaux de distribution, leurs points de vente, leur producteurs, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire.

Les produits sur lesquels est fondée la demande sont:

Classe 29 : Volaille et gibier, œufs, lait et autres produits laitiers, fromages.

Les produits contestés sont les suivants:

Classe 29 : Viande, poisson, volaille et gibier; extraits de viande, fruits et légumes conservés, séchés et cuits; gelées, confitures, compotes; oeufs; lait et produits laitiers; fromages; huiles et graisses comestibles; boissons lactées; conserves de viande, poissons, volaille et gibier; conserves d'oeufs; charcuterie. 

Classe 30 : Café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés du café; farines et préparations faites de céréales, pain, pâtisserie et confiserie, glaces comestibles; miel, sirop de mélasse; levure, poudre pour faire lever; sel, moutarde; vinaigre, sauces (condiments); épices; glace à rafraîchir; boissons à base de café, thé, cacao, chocolat. 

Classe 32 : Bières; eaux minérales et gazeuses; boissons non alcooliques et préparations pour faire des boissons (à l'exception de celles à base de café, de thé ou de cacao et des boissons lactées); boissons de fruits et jus de fruits; sirops pour faire des boissons. 

Produits contestés de la classe 29

Les produits contestés volaille et gibier, œufs, lait et produits laitiers, fromages sont indiqués de façon identique dans les deux listes de produits.

Les produits contestés boissons lactées sont inclus dans la catégorie générale des produits laitiers de la demanderesse. Dès lors, ces produits sont identiques.

Les produits contestés viande couvrent, en tant que catégorie plus large, les produits volaille de la demanderesse. Étant donné que la division d’annulation ne peut décomposer ex officio la catégorie générale des produits contestés, ceux-ci sont considérés comme identiques aux produits de la demanderesse.

Le produit contesté poisson est similaire au gibier de la demanderesse car ces produits sont destinés aux mêmes consommateurs et leur mode d’utilisation est le même. De plus, ces produits sont en concurrence.

Les produits contestés huiles et graisses comestibles et les produits laitiers de la demanderesse sont des produits pouvant être utilisés aux mêmes fins en cuisine. Aussi, il s’agit de produits concurrents qui sont destinés aux mêmes consommateurs. Ces produits sont donc similaires.

Le produit contesté charcuterie est similaire à un haut degré aux volailles de la demanderesse dans la mesure où ces produits ont la même nature, peuvent être acquis dans les mêmes points de vente, sont destinés aux mêmes consommateurs finaux et sont fabriqués par les mêmes producteurs.

Les produits contestés conserves de viande, volaille et gibier sont faiblement similaires aux volailles, gibier de la demanderesse. De même, les conserves d'oeufs contestées sont faiblement similaires aux œufs de la demanderesse. Malgré leur différents modes de conservation (frais/en conserve), ces produits sont en concurrence, ils ont la même finalité et s’adressent au même public.

Les produits contestés conserve de poissons sont faiblement similaires aux produits volaille et gibier, de la demanderesse. Ils s’adressent au même public et ils partagent les mêmes fabricants et réseaux de distribution.

Les produits contestés extraits de viande, fruits et légumes conservés, séchés et cuits; gelées, confitures, compotes ne sont pas similaires aux produits de la demanderesse. Ces produits ne sont pas de même nature et répondent à des besoins différents. Ils sont également produits, distribués et vendus par des entités différentes.

Produits contestés de la classe 30

Les glaces comestibles de la demande sont hautement similaires aux produits laitiers de la demanderesse dans la mesure où les glaces sont fabriquées à base de lait ou de crème. Leur nature et leur destination sont similaires. Par conséquent, ces produits peuvent être fabriqués par les mêmes entreprises, ils sont destinés aux mêmes consommateurs et ils partagent les mêmes circuits de distribution. En outre, ils sont en concurrence, une glace pouvant être consommée à la place d'un yaourt en guise de dessert par exemple.

Les produits contestés café, thé, cacao, succédanés du café, boissons à base de café, thé, cacao, chocolat sont similaires aux produits laitiers de la demanderesse. Ces produits sont en concurrence car ils sont substituables. Ils sont vendus dans les mêmes points de vente. Les produits sont destinés aux mêmes consommateurs et émanent des mêmes fabricants.

Les produits contestés sucre, riz, tapioca, sagou, farines et préparations faites de céréales, pain, pâtisserie et confiserie, miel, sirop de mélasse, levure, poudre pour faire lever, sel, moutarde, vinaigre, sauces (condiments), épices, glace à rafraîchir ne sont pas similaires aux produits de la demanderesse. Ces produits ne sont pas de même nature et répondent à des besoins différents. Ils sont également produits, distribués et vendus par des entités différentes.

Produits contestés de la classe 32

Les produits contestés boissons non alcooliques et préparations pour faire des boissons (à l'exception de celles à base de café, de thé ou de cacao et des boissons lactées); boissons de fruits et jus de fruits; sirops pour faire des boissons sont similaires aux  produits laitiers de la demanderesse. Il s’agit de produits qui ont la même destination et qui utilisent les mêmes canaux de distribution. Même si leurs méthodes de production sont différentes, il s’agit de boissons non alcooliques qui peuvent être consommées dans les mêmes occasions pour étancher la soif ou pour le plaisir, qui répondent aux mêmes besoins d’un consommateur commun et qui doivent donc être considérées comme concurrentes.

Les produits contestés bières; eaux minérales et gazeuses ne sont pas similaires aux produits de la demanderesse. Ces produits ne sont pas de même nature et répondent à des besoins différents. Ils sont également produits, distribués et vendus par des entités différentes.

  1. Public pertinent – niveau d’attention

Le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a lieu également de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou services en cause.

En l’espèce, les produits jugés identiques ou similaires à différents degrés s’adressent au grand public. Le niveau d’attention est considéré comme étant moyen.

  1. Les signes

PERE TOINOU

Marque antérieure

Marque contestée

Le territoire pertinent est la France.

L’appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques, en tenant compte des éléments distinctifs et dominants (11/11/1997, C-251/95, Sabèl, EU:C:1997:528, § 23).

La marque antérieure est une marque figurative composée de l’expression « Père Toinou » inscrite au-dessus de la représentation d’un homme d’âge mûr souriant et vêtu à l’ancienne.

Le signe contesté est une marque verbale constituée des termes « PERE TOINOU ».

Les marques en cause ne comportent aucun élément qui pourrait être considéré comme étant clairement plus distinctif ou dominant que les autres.

Sur le plan visuel, il doit tout d’abord être rappelé que la marque verbale contestée est protégée pour une écriture en majuscule et en minuscule. En effet, la protection qui découle de l’enregistrement d’une telle marque porte sur le mot indiqué dans la demande d’enregistrement et non sur les aspects graphiques ou stylistiques particuliers que cette marque pourrait éventuellement revêtir.

 

Les signes coïncident au niveau des mots « PERE TOINOU ». Toutefois, ils diffèrent du fait de la présence de l’accent grave placé sur la première lettre « E » de la marque antérieure et en raison de la représentation graphique d’un homme.

Lorsque des signes sont constitués d’éléments à la fois verbaux et figuratifs, l’élément verbal du signe a, en principe, davantage d’impact sur le consommateur que l’élément figuratif. En effet, le public n’a pas tendance à analyser les signes et fera plus facilement référence aux signes en cause en citant leur élément verbal qu’en décrivant leurs éléments figuratifs (arrêt du 14/07/2005, T-312/03, Selenium-Ace, EU:T:2005:289, § 37; décision du 19/12/2011, R 233/2011-4 Best Tone (fig.) / BETSTONE (fig.), § 24; et décision du 13/12/2011, R 53/2011-5, Jumbo (fig.) / DEVICE OF AN ELEPHANT (fig.), § 59).

En conséquence, les signes présentent un degré élevé de similitude.

 

Sur le plan phonétique, la prononciation des signes est identique. L’absence d’accent grave n’implique aucun changement phonétique pour le public français.

Sur le plan conceptuel, le mot « PERE » suivi d’un nom propre sera compris comme faisant référence à un homme d'un certain âge, de condition modeste (avec des nuances allant de la sympathie à la condescendance) (dictionnaire Le Grand Robert en ligne). En l’espèce, le mot « TOINOU » n’a pas de signification en français, ni ne correspond à un nom de famille courant. Cependant, dans la mesure où il est précédé du mot PERE, le public français percevra les signes comme faisant référence à un homme d’un certain âge se dénommant « TOINOU ». L’élément figuratif de la marque antérieure ne fait que renforcer cette acception. Les signes sont donc identiques sur le plan conceptuel.

Dans la mesure où les signes présentent des similitudes au regard d’un aspect de la comparaison au moins, l’examen du risque de confusion sera réalisé.

  1. Caractère distinctif de la marque antérieure

Le caractère distinctif de la marque antérieure est l’un des facteurs à prendre en considération lors de l’appréciation globale du risque de confusion.

La demanderesse n’a pas affirmé explicitement que sa marque était particulièrement distinctive en vertu d’un usage intensif ou de sa renommée.

Par conséquent, l’appréciation du caractère distinctif de la marque antérieure reposera sur son caractère distinctif intrinsèque. En l’espèce, la marque antérieure dans son ensemble n’a de signification en rapport avec aucun des produits en cause du point de vue du public du territoire pertinent. Dès lors, le caractère distinctif de la marque antérieure doit être considéré comme normal.

Il convient de souligner que dans la pratique de l’Office, lorsque la marque antérieure n’est pas dépourvue de caractère distinctif ou n’est pas perçue comme présentant un faible degré de distinctivité, elle ne possède pas plus qu’un caractère distinctif intrinsèque normal.

  1. Appréciation globale, autres arguments et conclusion

Les produits sont partiellement identiques ou similaires à différents degrés et partiellement différents. Le caractère distinctif de la marque antérieure est normal. Le public pertinent est le grand public dont le niveau d’attention est moyen. Les signes ne possèdent pas d’éléments plus distinctifs ou dominants que d’autres.

Les signes sont visuellement similaires à un degré élevé, phonétiquement et conceptuellement identiques dans la mesure où les mots « PERE TOINOU » sont inclus presque à l’identique dans les deux marques. Il doit être rappelé que lorsque des signes sont constitués d’éléments à la fois verbaux et figuratifs, l’élément verbal du signe a, en principe, davantage d’impact sur le consommateur que l’élément figuratif. Par conséquent, ces éléments figuratifs supplémentaires n’exercent qu’un impact limité lors de l’appréciation du risque de confusion entre les marques. En tout état de cause, la représentation d’un homme d’âge mûr dans la marque antérieure vient renforcer le sens donné à l’élément « PERE TOINOU ».

À la lumière des éléments qui précèdent, la division d’annulation estime qu’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent. La demande est dès lors partiellement fondée sur la base de l’enregistrement français de la marque de la demanderesse.

Il résulte de ce qui précède que la marque contestée doit être rejetée pour les produits jugés identiques ou similaires, incluant ceux faiblement similaires, à ceux de la marque antérieure.

Les autres produits contestés sont différents. Étant donné que la similitude des produits et services est une condition nécessaire pour l’application de l’article 8, paragraphe 1, du RMUE, en combinaison avec l’article 53, paragraphe 1, point a), du RMUE, la demande fondée sur cet article et dirigée contre ces produits ne peut être accueillie.

FRAIS

En vertu de l'article 85, paragraphe 1, du RMUE, la partie perdante dans une procédure d'annulation supporte les taxes ainsi que les frais exposés par l'autre partie. Conformément à l'article 85, paragraphe 2, du RMUE, dans la mesure où les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs ou dans la mesure où l'équité l'exige, la division d'annulation décide d'une répartition différente des frais.

Étant donné que l'annulation est confirmée pour une partie seulement des produits contestés, les deux parties ont succombé chacune sur un ou plusieurs chefs. Chaque partie doit donc supporter ses propres frais.

La division d'annulation

Frédérique SULPICE

Richard BIANCHI

Catherine MEDINA

Conformément à l’article 59 du RMUE, toute partie lésée par cette décision peut former un recours à son encontre. Conformément à l’article 60 du RMUE, le recours doit être formé par écrit auprès de l’Office dans un délai de deux mois à compter du jour de la notification de la présente décision. Il doit être déposé dans la langue de procédure de la décision attaquée. En outre, un mémoire exposant les motifs du recours doit être déposé par écrit dans un délai de quatre mois à compter de cette même date. Le recours n’est considéré comme formé qu’après paiement de la taxe de recours de 720 EUR.

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